Lettre ouverte des personnels du collège Mallarmé, Marseille, du 21 février 2022 à l’attention de M. le Ministre de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports

lundi 21 février 2022
par  cgteducaix

Monsieur le Ministre,

Aujourd’hui, vous venez rencontrer la Classe Défense du Collège Stéphane Mallarmé. Une classe qui depuis plusieurs années met notre établissement à l’honneur, par ses participations à de multiples projets et concours, souvent remportés avec brio.

Si cette classe en particulier attire le plus l’attention, du fait de son fort lien avec les institutions et des nombreux travaux menés autour des valeurs de la République, sachez que notre collège compte une multitude d’autres dispositifs, tout aussi importants à nos yeux. Chacun de ces dispositifs est unique et est né du travail acharné des professeurs, désireux d’offrir le meilleur à leurs élèves.

Il y a la Classe à Horaire Aménagés Théâtre, seule classe du département proposant aux élèves des cours de théâtres dispensés par un membre du conservatoire de Marseille et partenaire du ZEF, scène nationale ; le dispositif LCE, qui propose aux élèves des enseignements renforcés en langue anglaise, ainsi que des cours de sciences en anglais ; la classe EDIL, le dispositif ECLA… Autant de projets mis en œuvre par des équipes soudées et des professeurs motivés pour transmettre leur savoir aux citoyens de demain.

Néanmoins, depuis plusieurs années, malgré nos volontés et notre enthousiasme, nous nous sentons malmenés et négligés dans l’exercice de nos missions.

Au sein de notre établissement par exemple, c’est un peu plus de 78 heures d’enseignement que nous avons perdues en 4 ans, pour un nombre d’élèves constant. Sans cesse, l’on nous demande de faire autant - si ce n’est mieux - avec moins. Alors que nous sommes un établissement REP+, les dotations continuent de diminuer.

Ces baisses ne concernent pas uniquement notre collège mais de nombreux établissements du département et du pays. Si pour vous ces dotations horaires ne sont que des chiffres, leur amenuisement a des conséquences bien réelles sur le quotidien des enseignants et de leurs élèves : les heures postes sont remplacées par des heures supplémentaires, alors qu’en parallèle des postes complets sont supprimés ; les professeurs sont obligés de partager des classes, ce qui n’est pas une solution pérenne d’un point de vue pédagogique ; les demi- groupes sont supprimés ou réduits dans la plupart des matières, ce qui implique que les élèves ne peuvent plus pratiquer, que ce soit en langues par exemple, ou en sciences. Bientôt, du fait de cette perte de moyens, nous ne serons plus à même de proposer les dispositifs mentionnés plus haut, qui pourtant semblent faire votre fierté et vous attirent jusque dans nos quartiers.

Ajoutons à cela que les effectifs élèves de l’ensemble du second degré augmentent à chaque rentrée scolaire dans notre pays, et ce jusqu’en 2023. En 2021, il y avait 43 400 élèves. 24 400 élèves supplémentaires sont attendus en 2022.

Dans notre académie, ce sont 2811 élèves en plus en collèges et lycées. Pourtant, 60 postes d’enseignants sont supprimés alors que pour maintenir le taux d’encadrement, il aurait fallu augmenter de 235 le nombre d’enseignants.

Depuis 2002, l’académie a perdu près de 10% de ses enseignants. Les chiffres de la DSDEN sont sans appel : la baisse du taux d’encadrement représente la disparition de 1900 heures, c’est-à-dire l’équivalent de 105 postes. Alors que nous devons faire face à l’arrivée de près de 3000 nouveaux élèves, un seul établissement a été construit.

Comme souvent, les collèges REP+, considérés comme « surdotés » sont les plus impactés par ces décisions ministérielles.

Comment, dans ces conditions, pouvons-nous continuer à encadrer nos élèves ? Comment, avec des classes surchargées, pouvons-nous progresser dans nos missions et offrir aux élèves des enseignements personnalisés ? Comment, enfin, pouvons-nous accepter que vous rendiez plusieurs millions d’euros sur le budget de l’Education Nationale, alors que cet argent nous fait cruellement défaut ? Si pour vous ces millions ne sont, encore une fois, que des chiffres, pour nous, ce sont des postes de professeurs pour accompagner nos enfants, ce sont des heures de demi-groupes, des cours de soutien, des recrutements d’AED ainsi qu’une revalorisation de leur salaire, la possibilité d’un enseignement plus adapté aux besoins des élèves…

S’il est des élèves à besoin éducatifs particuliers, ce sont bien les élèves en situation de handicap. Or, au collège Mallarmé, ces élèves ne bénéficient pas de l’accompagnement humain qui leur est nécessaire et dû pour être scolarisés dans les meilleures conditions.

A titre d’exemple, nous avons ouvert en septembre 2021 un dispositif ULIS. Le jour de la rentrée, aucun AESH n’était nommé dans l’établissement, ni pour accompagner ces 10 nouveaux élèves, ni pour accompagner les élèves en situation de handicap scolarisés dans des classes ordinaires. De plus, depuis janvier, 2 personnels AESH sont absents et non remplacés, les 10 élèves de l’ULIS n’ont plus aucun accompagnement humain en dehors des heures de présence dans le dispositif. Comment mettre en place une véritable inclusion scolaire dans ces conditions ? La mise en place des PIAL et la mutualisation des moyens ne permet pas de combler les absences quand celles-ci sont importantes. Il devient urgent de recruter des AESH en nombre suffisant pour fonctionner dans de bonnes conditions. Cela doit s’accompagner de mesures pour enfin offrir aux AESH un véritable statut de la fonction publique, ainsi qu’une rémunération décente et qu’un accès à une formation qualifiante à la hauteur de leurs missions.

Enfin, notre établissement, comme de très nombreux autres à l’échelle du pays, n’est pas aux normes sécuritaires ou sanitaires. Le collège Stéphane Mallarmé ne répond pas aux besoins des équipes et des élèves, tant sur le plan pédagogique que matériel : pas de préau, salle de réunion et salle informatique réquisitionnées comme salle de cours, en cas de protocole sanitaire renforcé le collège n’est pas en capacité de fournir une salle par classe, deux salles de sciences pour 4 enseignants, pas de sas de sécurité à la loge. Une étude réalisée en 2016 par le CD13 dénonçait pourtant déjà une « mauvaise organisation des locaux » et des « problèmes fonctionnels remontant pour certains à l’origine de l’établissement », construit en 1959. Vieux d’il y a six ans, ce rapport, signé par Mme Vassal, souligne la vétusté des locaux et préconise « des travaux divers de restructuration, de constructions et de remise aux normes ». Pourtant, à notre connaissance, aucune suite n’a été donnée au projet, et ce en dépit de la récente demande d’audience faite à ce sujet par les personnels enseignants du collège lors du C.A. du 9 décembre 2021. De plus, comme évoqué plus haut, cette année un dispositif ULIS accueillant des élèves en situation de handicap, a ouvert au sein de notre établissement bien qu’une non « conformité à l’accessibilité des personnes à mobilité réduite » ait été relevée dans le rapport de 2016, rendant de ce fait impossible l’accueil d’élèves qui présenteraient des troubles moteurs.

Vous venez dans notre collège pour mettre en avant des projets qui sont voués à disparaître si vous persistez à faire des économies. Avec votre politique du chiffre, c’est tout le système éducatif que vous fragilisez au détriment de l’apprentissage et du bien-être de nos élèves ainsi que de tous les personnels de l’Education Nationale.

En conclusion, Monsieur le Ministre, vous comprendrez que nous ne puissions vous accueillir autrement que par un mouvement de protestation.

Nous vous saurions gré de votre considération,

Des professeurs du collège Stéphane Mallarmé


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