Quelques réflexions en ce début de troisième semaine

par Emmanuel Arvois
mercredi 1er avril 2020
par  cgteducaix

L’évolution de la situation sanitaire après 15 jours de confinement, et aussi sa gestion par le pouvoir mérite quelques réflexions

Après 15 jours de confinement il est utile de faire le point sur la situation en France et la gestion de l’épidémie par les autorités. D’autant que les évènements confirment à la fois l’impréparation et les fautes d’anticipation du gouvernement, et la mauvaise gestion de la crise dans sa durée. Or cela a évidemment une incidence directe sur l’éventualité d’une issue qui ne soit pas trop lointaine et qui donne quelques garanties contre un rebond de l’épidémie.


Il faut d’abord noter que le confinement à domicile de la population, dans la forme massive qu’il a pris, avec la restriction très importante des déplacements, a fini par s’imposer parce que c’était alors la seule mesure à même de freiner le processus épidémique en France. Contrairement à ce qu’a prétendu Edouard Philippe tout dernièrement, il est même permis de penser qu’il aurait dû être mis en œuvre de manière plus précoce et qu’il a été perdu dans cette optique un temps précieux alors que les données concernant l’Italie (le confinement général y a été décidé le 9 mars) étaient déjà sous nos yeux. 


Il faut noter aussi que la mise en œuvre du confinement général en France est une mesure d’urgence qui s’est imposée au gouvernement parce que les hypothèses sur lesquelles reposaient sa stratégie étaient fausses, et alors que sa préparation de l’épidémie était gravement insuffisante et fautive. La pénurie de masques, en premier lieu pour les personnels hospitaliers et les soignant.es en général, en donne un témoignage éclatant. Mais également la pénurie de tests et son corollaire, le renoncement à mettre en œuvre une politique de test systématique de la population, autorisant un suivi plus rigoureux des contours réels de l’épidémie et la mise en œuvre d’un confinement plus ciblé et plus efficace dès le départ.


On peut pour s’en convaincre observer la situation actuelle en Allemagne, où la pratique des tests à une échelle de masse, à raison d’environ 500 000 personnes testées par semaine actuellement, donne manifestement des résultats. Et pas seulement sur le plan du contrôle de l’épidémie, mais également sur le plan de la prise en charge des malades. En effet, savoir qui porte le virus c’est aussi savoir qui requiert non seulement des mesures d’isolement, mais également des mesures de surveillance médicale particulière. Or cette surveillance précoce semble jouer un rôle dans la mortalité plus faible qui sévit actuellement en Allemagne et qui n’est pas dû qu’à l’effet statistique du plus grand nombre de personnes testées. Le nombre de cas graves y est également en valeur absolue plus faible, et il n’est pas déraisonnable à ce stade de penser que c’est aussi dû à une prise en charge plus précoce des personnes infectées, permettant d’éviter que leur situation de santé ne dégénère.


Plus largement cela renvoie au problème très lourd de l’état de notre système de santé dont la crise est le révélateur cruel. Là encore la comparaison avec l’Allemagne est extrêmement parlante. Celle-ci disposait de 25 000 lits de réanimation au début de la crise (pour 82,7 millions d’habitants), contre 5 000 en France (pour une population métropolitaine de 64,8 millions). L’Allemagne atteint aujourd’hui les 30 000 lits de réanimation alors que la France se bat pour atteindre les 10 000 et porter sa capacité à 15 000 lits avant que le pic épidémique ne soit atteint partout. Et dans le même temps, les moyens hospitaliers privés ne sont pas systématiquement réquisitionnés (aucune mesure de la Loi Urgence n’a été prise dans ce sens) et la priorité à un effort de production permettant de combler ce retard n’a pas été non plus anticipée.


Donc, quoiqu’en dise le gouvernement, il est gravement fautif, et à l’issue de la crise l’un des enjeux majeurs sera de lui faire rendre des comptes. D’autant que la confrontation avec lui portera simultanément sur les conséquences économiques de la crise et la question de savoir qui va les supporter. De ce point de vue, la Loi Urgence donne déjà les indications auxquelles on pouvait s’attendre avec les atteintes au code du travail qu’elle introduit, avec le refus de limiter l’activité de production aux secteurs essentiels, et le refus de pratiquer les réquisitions utiles à la lutte contre l’épidémie. Raison de plus pour que la pression sociale et politique qui s’exercera sur lui en raison de sa gestion défaillante de la crise, soit maximale.


Mais il faut sortir de la crise et sur ce plan les erreurs du gouvernement continuent de peser négativement. En particulier la question des tests est dans cette perspective tout à fait fondamentale. En effet, tant que le système de santé n’a pas acquis une capacité à tester massivement la population de manière à maintenir une politique d’isolement et de suivi médical des individus infectés, et par ailleurs tant que des masques, non seulement pour les soignant.es, mais pour la population exposées (au travail, à l’école, dans ses déplacements quotidiens...) dans son ensemble, ne sont pas disponibles en masse, la levée du confinement est aléatoire. Or, nous ne pouvons nous satisfaire d’un confinement qui s’éternise. Il faut en mesurer les risques y compris dans l’état d’exception sur le plan démocratique qui est ainsi créé, avec toutes les conséquences négatives qui peuvent s’ensuivre sur le plan politique et social, dont la Loi Urgence nous donne déjà les signes. 


Les exemples coréens ou taïwanais sont là pour montrer qu’une gestion de la crise assise sur un dépistage massif de la population autorisant la mise en œuvre d’un confinement efficace des seuls individus contagieux, comme alternative au confinement général, est possible et qu’elle permet une sortie apparemment réussie de la crise sanitaire. Il est fondamental que cette voie soit également suivie en France. D’ailleurs, en amont même de la sortie de crise on peut raisonnablement penser qu’une surveillance médicale efficace à même d’amener la meilleure réponse thérapeutique, impose cette systématisation des tests.


Pour cette raison, les efforts massifs pour l’amélioration du système de santé ne peuvent être remis à un avenir incertain postérieur à la crise, ils doivent être engagés tout de suite, à la fois pour y faire face et pour favoriser une sortie plus sûre et plus rapide de la crise épidémique. Plus largement la priorité nationale, sur le plan économique et politique, doit être réellement accordée à la protection des personnes (« nos vies valent plus que leurs profits »), à la lutte contre l’épidémie et à la préparation d’une sortie réussie (le plus possible…) de celle-ci. Ce n’est toujours pas le cas.


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